Autobus
(notes de l'électricien)
J’attendais l’autobus depuis déjà une demi-heure. Il pleuvait des petites goutes fines et plates et il neigeait. La neige etait abjecte, mouillée. С’était l'arrêt de quatre lignes d’ autobus. Les autobus numéros cinq, sept, trois sont déja passés. Voilà le numéro sept de nouveau. Le mien est le quatre. J'attends. Tous sont déjà passés et le mien devrait arriver probablement. Mais il n’en est rien. L'autobus numéro cinq a apparu. Il s'est arrêté, a ouvert les portes, a lancé de la vapeur et a continué son chemin. Vas-y, vas! Non. Rien. Maintenant le numéro trois. Dans une autre direction, voulez-vous ou pas, deux autobus numéro quatre sont passés. Et voilà encore un. C’est quoi ce bordel-là?
Merde, je n'ai pas acheté de pain. Et la boulangerie est juste de l’autre côté de la rue. J’y galope. Deux minutes, pas plus. Je reviens. C’est tout. Le quatre vient de demarrer mais je n'ai pas eu le temps de traverser la route. Bon , il en y a encore deux ou trois là-bas. J’aurai attendu.
J’attends , il pleut. De nouveau les numéros sept, cinq, trois, sept, trois. Et au-devant il y a deux autobus numéro quatre. Je ne comprends rien.
Encore une demi-heure est passée. Je deviens enragé. De l’autre côté de la rue il y a plein d’autobus numéro quatre, autant que vous voulez même. Il y en a peut-être cinq. Du mien – seulement ceux, dont je n’ai pas besoin. Je me suis mouillé les pieds. Le froid est humide, abject. Je suis allé de nouveau à la boulangerie pour me réchauffer. Je viens de traverser la route et qu’est-ce que je vois ? Mon autobus arrive. Je ne peux pas revenir. Les voitures vont l’une après l’autre. Je suis méchant et j’ai envie d’hurler. Allons, plus vite, plus vite ! Tout est fini, j’ai été en retard. Les portes ont fermé. Un demi-mètre m’a manqué pour monter en marche. Comment est-ce que j'ai pu oublier? Il faut s’approcher de l’autobus sans se dépêcher, tranquillement et faire l’air de quelqu’un indifférent. Et seulement au dernier moment , quand tu comprends que le chauffeur, hypnotisé par ton indifférence mais s'étant rendu compte de sa faute, aura bien sûr le temps pour appuyer sur le levier, mais le mécanisme ne fonctionnera pas encore , il faut se jeter vers la porte ouverte. Bon, par contre je me suis réchauffé. La tête commence à comprendre. Combien d'autobus y a-t-il là-bas? Sept, évidemment. Et il y en deux seulement de retour, en outre tous les deux, quand j'ai traversé la route. J’attends, je refléchis, pendant cinq minutes déjà. De nouveau il n’y a aucun autobus numéro quatre. Par contre dans une autre direction il y en a deux.
L'idée vient à la tête brusquement. Comme le résultat régulier des longues réflexions infécondes. Tout est très simple. Il faut attendre de l’autre côté. La circulation se calme. Je commence à traverser la route. Il y a quelque diablerie là-dessous ? Effectivement, il y a un autobus numéro quatre. J’y cours. Eh bien, c’est tout , ça y est. Mais l'autobus ne s'arrête pas. De loin je n'ai pas vu l’écriteau “Au parc”. Ou bien le chauffeur l'avait mis quand je revenais. Oui, c’est ça. Il m'avait vu et mis cet écriteau. . Il est passe devant mon nez sans s’arreter. Il en a le droit.
Ne raconte jamais à personne et ne montre pas ce que tu attends, et attends toujours de l’autre côté de la rue.
I. Gormuhin
Tver, automne 1999
Traduction faite par O. Kozlova